mercredi 9 février 2011

"On dit que les chats se rassemblent autour des morts"

Il s'agit de la nouvelle sur laquelle mon oeuvre se base.
Je l'ai écrite il y a environ un an dans le cadre du cours de Français Propre au Programme.
Elle est très importante pour moi (vous le sentirez sûrement en la lisant).




On dit que les chats se rassemblent autour des morts

 

Par où commencer? Sûrement pas par mon nom, je ne vous le donnerai pas… Je préférerais rester anonyme. Je ne vous donnerai même pas un pseudonyme comme certains auteurs le font en pareille situation. Pourquoi me demanderez-vous? C’est à la fois très simple et incroyablement compliqué. Voyez-vous, ce que je désire le plus au monde serait de ne pas exister et je n’entends pas par là de mourir, ce serait malheureusement trop facile, trop simple. Être mort implique que vous existez, les gens qui vous ont aimé de votre vivant se souviendront de vous, vous existez donc toujours, ne serait-ce que dans leurs souvenirs. Tristement, pour des raisons évidentes, ce souhait n’est pas réalisable.

Malgré tout, je préfère tout de même éviter de trop exister si vous me le permettez. Ne vous inquiétez pas, je me rends parfaitement compte qu’il est ironique d’écrire un texte alors qu’on cherche à ne pas exister. Laisser ainsi des traces, la preuve de mon existence. Ce qui soulève le questionnement suivant… comment se fait-il que vous soyez en train de me lire, moi qui ai tendance à détruire mes créations, que se soit un dessin ou un texte…? Si seulement les souvenirs pouvaient être ainsi effacés…

Enfin bon, je suppose que cela n’a plus d’importance maintenant que nous sommes ainsi réunis et que vous ajoutez au poids de mon existence. Je n’ai pas écrit ce texte en me prenant pour sujet, mais en prenant une personne qui est très importante pour moi. On peut dire qu’il s’agit de ma meilleure amie. Mais elle non plus, je ne la nommerai pas, pour des raisons bien différentes des miennes et qui devront rester inconnues. L’histoire que je m’apprête à vous raconter est triste et je préférerais ne pas avoir d’histoire de ce genre à présenter, cela m’éviterait d’écrire…

Il était tard, ou tôt, dépendamment du point de vue adopté. Disons qu’il était passé minuit. Elle se confiait à moi, et pour une fois que cela arrivait… j’aurais préféré que ce soit un moment plus joyeux. Elle était inconfortable, sa voix tremblait lorsqu’elle formait ses mots. Rien de bien étonnant, nous parlions de sa mère. Comme je venais récemment de l’apprendre, elle était morte plus d’un an auparavant. Je dois avouer que je m’étais senti insulté en l’apprenant, moi, de toute personne, aurais pu la comprendre. Étant ami, j’avais des choses à rattraper avec elle et peut-être l’aurais-je trop poussée? J’espère sincèrement que non, jamais je n’aurais voulu lui causer du tort… Je me suis rendu compte que c’était la première fois qu’elle me parlait vraiment de sa mère. Ne l’ayant jamais rencontrée, j’ignorais donc tout d’elle. De ce qu’elle m’expliqua, leur relation était plutôt étrange. Sa mère était continuellement malade, sous médication et bien qu’indépendante, mon amie devait s’occuper d’elle comme l’on se serait occupé d’une enfant. Il lui arrivait de ne pas prendre ses médicaments, refusant parfois de manger ou de consulter des médecins. Une tâche bien difficile en elle-même et bien que triste, n’est rien comparé à l’accomplir pour quelqu’un qu’on aime sincèrement, comme sa mère, alors que celle-ci vous dit que vous êtes une erreur, que vous n’étiez pas prévue que votre existence elle-même est une aberration, quelque chose qui ne devrait pas être…

L’existence, voilà un concept que j’avais maitrisé, non dans les mêmes circonstances mais qu’importe, cela expliquait certaines réactions qu’elle avait eues par le passé face à ce que je lui disais. Mon cœur se serra. Comme je l’ai écrit plus tôt cette amie était très importante pour moi, l’une des trois personnes les plus importantes à mes yeux et particulièrement à mon cœur…  Tout cela pouvait expliquer sa réaction face à l’ouverture de mon cœur, comment aimer quelque chose qui ne devrait pas exister? Surtout si cette personne n’a rien fait pour vous séduire? Comment accepter que quelqu’un nous aime sincèrement en ayant vécu ce qu’elle avait vécu? Tout ce que je pouvais lui dire à ce moment était une réalité à laquelle je ne pouvais échapper… Que nous ou quiconque le voulions ou non, nous existions et avions un impact sur les autres.

L’histoire pourrait se finir ainsi et être complète. Ou du moins, aussi complète que j’ai accepté de la partager jusqu’ici. Mais peut-être aurez-vous compris que je suis quelqu’un qui est accoutumé à la tristesse et aux malheurs, je vous ai dit que cette histoire serait triste, selon mes standards et non ceux d’une personne plus normale. L’histoire, malheureusement, ne fait donc que commencer.

Par le passé, je lui avais demandé si elle avait déjà ressenti une grande joie qui lui apportait également une immense tristesse. À ce moment-là elle n’avait pas compris que je parlais de l’amour que je lui portais, mais qu’elle ne semblait pas remarquer ou encore moins partager. Elle fit néanmoins un parallèle avec ce qui lui était arrivé à la mort de sa mère. Comment elle plongea d’un moment magnifique à des ressentiments peu enviables de culpabilité et de tristesse. Elle devait s’absenter pour quelques jours, le temps d’aller à un concert avec un ami dans une autre ville. Un événement qu’elle avait attendu depuis un certain temps et qui lui tenait à cœur. Évidement, vous voyez se dessiner la suite au fur et à mesure que vous lisez ces mots. La suite n’est pas difficile à imaginer.

Elle m’expliqua qu’elle n’était pas allée chez sa mère avant de partir. Pourquoi? Lui demandais-je. Elle m’expliqua alors que sa mère gâchait tout ce qui touchait de près ou de loin à sa fille. Qu’elle le fasse volontairement ou non, le résultat restait le même, elle ruinait les moments qui se voulaient les meilleurs. Mon amie décida donc de ne pas prévenir sa mère qu’elle partait, n’allant même pas la voir de peur qu’elle ne sente que quelque chose la rendait joyeuse et qu’elle corrompe ce moment.

Elle me parlait lentement et de manière hésitante mais je me fis insistant. Je sentais les émotions refaire surface en elle et je m’en suis voulu de lui faire revivre cela plus d’un an après… Mais je voulais la comprendre, comprendre ce qui s’était passé, ce qu’elle avait ressenti… Pourquoi? Je peux voir plusieurs raisons, mais ne saurais dire de laquelle il s’agissait avec précision. Peut-être était-ce simplement par amitié? Par compassion? Que je voulais qu’elle puisse exorciser les démons qui semblaient la hanter? Parce que j’étais heureux qu’elle s’ouvre enfin à moi? Que cela me faisait sentir important qu’elle se confie à moi et à personne d’autre? Ou alors parce que je suis amoureux d’elle? Qu’elle est l’une des personnes les plus importantes de ma vie? Je ne s’aurais dire, mais j’aimerais croire que mes raisons étaient nobles et que je n’ai pas agi par égoïsme. Je m’en voudrais infiniment si tel devait être le cas.

Elle me décrivit comment elle était heureuse durant le concert. Il faut dire que la musique tient une place très importante dans la vie de mon amie. Comment elle était aux anges avant d’être rappelée à la réalité par un appel téléphonique. Contrairement à ce que vous vous imaginez sûrement, on ne lui annonça pas la mort de sa mère. Ce serait trop simple, je vous ai prévenu que cette histoire était triste. Non, c’était un service qu’on offrait à sa mère. On l’appelait à chaque jour, afin de s’assurer qu’elle allait bien. On appela mon amie pour lui dire que sa mère n’allait pas bien et qu’elle devrait aller la voir. Je ne pu m’empêcher de penser que mon amie avait raison, sa mère arrivait vraiment à gâcher ses moments de bonheur…

Elle m’expliqua comment la peur l’envahit, remplaçant son sentiment de joie par de l’incertitude. Elle me décrit l’angoisse qu’elle avait ressenti, comment le trajet jusqu’à chez sa mère fut pénible. Accompagnée par son père, il attendit cependant à l’extérieur (son père et sa mère étant séparés) tandis qu’elle alla voir sa mère. Mon amie s’occupa donc un peu de sa mère. Selon elle, elle ne fit pas grand-chose pour sa mère. Elle ne s’en rendit pas compte immédiatement, mais comme elle me le dit plus tard, en regardant sa mère, c’est le visage de la mort qu’elle voyait. Quelque chose qu’elle ignora, par peur s’en doute. C’était parfaitement compréhensible que la peur l’ait empêchée d’agir normalement.

Elle me dit que son père se fit pressant et comme elle avait peur, mon amie fut contente de partir. Elle baissa alors la tête, se cachant derrière ses cheveux pour ne pas affronter mon regard. Elle se traita alors de lâche, qu’au lieu de rester avec sa mère pour l’aider, elle avait préféré s’enfuir. Mon amie continua son récit. Le lendemain, elle retourna voir sa mère. Encore une fois, elle eut pour compagnons l’angoisse et la peur. Elle me décrivit alors le soulagement lorsqu’elle ouvrit la porte et vit l’un des chats de sa mère…

« On dit que les chats se rassemblent autour des morts. » me dit-elle. D’où le sentiment de soulagement qu’elle avait ressenti en voyant le chat. Je n’avais jamais entendu ce mythe avant… peut-être cherchait-elle un élément rassurant dans la foulée de peur et d’angoisse qui l’envahissait? Bien que je n’en aie jamais entendu parler avant ce soir-là, j’aurais tant aimé qu’il soit vrai, pour elle. Elle continua en me disant qu’elle parcourût la maison à la recherche de sa mère, et finît par la trouver, morte. Puis, elle me décrivit comment elle recula, sortant de la pièce ou reposait le cadavre de sa mère, refusant de rester à l’intérieur de cette pièce, et appela une ambulance. Elle eut un sursaut que j’interprétai comme du dégoût. La personne qui lui avait répondu lui avait dit de pratiquer les manœuvres de réanimation, insistant, en lui disant que cela pourrait sauver la vie de sa mère. Mon amie avait essayé de lui expliquer qu’elle était déjà morte, probablement depuis plusieurs heures, mais il ne l’écouta pas, répétant qu’elle pouvait sauver sa mère… Tout pour ajouter à l’horreur de la situation. Elle m’expliqua qu’elle avait atteint ses limites, elle ne pouvait plus supporter d’être dans la maison et en sortit dès que l’ambulance fut arrivée.

Pourquoi? Me demanda-t-elle. La culpabilité la faisait trembler. Pourquoi n’avait-elle rien fait pour sa mère? Pourquoi cette fois, la fois ou sa mère avait réellement besoin d’elle n’avait-elle pas agi? Comme n’importe qui l’aurait fait, je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas savoir, qu’elle n’était pas responsable de sa mort. Elle sembla se fâcher, c’est à ce moment qu’elle me dit qu’elle avait vu le visage de la mort, mais l’avait ignoré, qu’elle s’était enfuie. Que pouvais-je dire de plus? Elle, par contre, avait plus à dire. Elle m’affirma avoir laissé tomber sa mère, qu’elle aurait pu la supplier d’aller à l’hôpital, comme elle l’avait parfois fait dans le passé. Ou faire venir un médecin à elle si elle refusait catégoriquement d’y aller. J’aurais tant voulu trouver des paroles qui auraient pu la soulager de cette culpabilité qui la déchirait. J’ai bien essayé, autant que j’ai pu, mais convaincre une personne de son innocence alors qu’elle-même se croit coupable s’est avéré être une tâche au dessus de mes forces, quel ami je fais…

C’est ici que cette histoire prend fin. Pour vous du moins. À quelque part, et bien malgré moi, je ne peux m’empêcher de vous en vouloir. Je ne pourrais vous décrire précisément la façon dont elle me parlait, me décrivait ce qu’elle ressentait… je serais incapable de le faire comprendre au travers de mots, je ne suis pas un assez bon écrivain pour cela et je m’en veux. J’aurais tant aimé avoir ce pouvoir pour elle… ou celui de la soulager de cette peine. Mais celui-là non plus je ne l’ai pas.

1 commentaire:

  1. Salut Francis,

    J'ai compris ton procédé et le mélange de deux projets que tu penses initier. Je vais pouvoir lire ta nouvelle à temps et lieu.
    Mais, pour la nouvelle, pourrais-tu faire un projet (plan) de la nouvelle pour qu'on comprenne les points importants de celle-ci.
    (Sujet, Thème, but, narrateur)
    Je ne t'impose pas de le faire, mais il serait efficace pour que le lecteur comprenne rapidement ce qui est important.

    Merci et bienvenue dans l'équipe,
    Rich

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